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Dans un secteur en mutation, les bas taux d’emprunt ne compensent plus la hausse des prix des biens.
Pour le moment, l'activité est très soutenue et, en 2021, le marché immobilier a enchainé les records», observe, dans sa note de conjoncture du 3 janvier, Laurent Vimont, président du réseau Century 21, dont les 925 agences ont réalisé 50 000 transactions sur l'année. Record, en effet, du nombre de ventes, qui frôle le 1,2 million et est comparable à celui de 2019, après une année 2020 atypique puisque pénalisée par huit semaines de confinement. Et jamais les ventes n'ont été conclues aussi vite, dans le délai moyen de 80 jours en 2021, contre 91 jours il y a seulement un an. Record aussi de leur montant moyen qui progresse, pour la septième année consécutive, de 7.7% pour les maisons, à 267 524 euros, et 5,6 % pour les appartements, à 227 897 euros. Record de la dette, puisque les ménages n'ont cessé d'allonger la durée de leurs crédits, désormais à vingt et un ans et neuf mois et, encouragés par des taux historiquement bas, d'en moyenne 1,13 %. Le volume des crédits croit de 16,7 %, selon la Banque de France, et atteint, de novembre 2020 à octobre 2021 (non comptés les rachats de prêts), 225,2 milliards d'euros, contre 193 milliards en 2020 et 2019. Record enfin des achats par les investisseurs qui selon Century21, sont présents dans 30,2% des transactions, contre 17,4% en 2014. Partout en France, les prix sont à la hausse, avec même des poussées à deux chiffres sur le littoral. En Ile-de-France, c’est dans la grande couronne que les hausses impressionnent le plus.
« Espace extérieur»
«Les maisons des Yvelines se sont appréciées de 12 % en un an, du jamais-vu de mémoire d'agent immobilier, commente M. Vimont. En Essonne, ce sont plutôt les prix des appartements qui progressent de 12,2 %, et 9,9 % en Seine-et-Marne. Seul ilot de baisse, Paris a vu ses tarifs fléchir de 2,2 %, à en moyenne 10367 euros le mètre carré, principalement au dernier trimestre. Cependant, en 2021, les acquéreurs ont déboursé en moyenne 511 700 euros pour un appartement de 49.3 m2 perdant 3,7 m2 en un an, dans un marché cependant dynamique, où les délais de vente, ici, s'allongent légèrement, pour s'établir à 72 jours en moyenne, contre 62 jours en 2020. Pas étonnant que les acheteurs se recrutent de plus en plus parmi les catégories socioprofessionnelles les plus aisées, cadres supérieurs et professions libérales s'arrogeant 42,5 % du marché. Les agences immobilières spécialisées dans les biens de prestige parisiens tournent à plein. Le groupe Daniel Féau annonce ainsi un chiffre d'affaires en hausse de 39 %, entre le 1er janvier et le 25 novembre2021, tiré par les transactions de plus de 3 millions d'euros, dont le nombre est, lui, en hausse d'un bon 120 %.
«C'est l'appartement bourgeois classique, de 150 m2, sans vue ni terrasse, entre 1 million et 2 millions d'euros, qui se vend le moins bien, relève Charles-Marie Jottras, président du groupe, car nos acheteurs exigent maintenant un espace extérieur et y renoncent à aucun prix.» Les ventes de maisons et hôtels particuliers avec jardin ont donc doublé dans la période. Les retraités sont plus présents que jamais sur le marché parisien, à l'initiative de 8,3 % des transactions parisiennes, mais surtout les investisseurs, désormais dans 31 % des affaires. Un phénomène presque classique, depuis 2015, mais qui s'accélère : les familles quittent la capitale, comme en témoigne le chiffre de 6 000 élèves de maternelle et primaire et 900 collégiens en moins à la rentrée de septembre 2021, contre 3 700 en 2020 et toujours moins de 3 000 auparavant. « Les familles ne vont pas forcément loin, selon M. Vimont. Elles font des sauts de puce, d'abord en petite couronne, puis en grande, à la recherche de la pièce en plus et de la terrasse qui leur manquaient. »
«Trois phénomènes de migration sont a l’œuvre, analyse Jean-Claude Driant, professeur à l'école d'urbanisme de Paris. Une force centrifuge qui pousse les habitants des centres vers les périphéries; des Parisiens pouvant télétravailler qui rejoignent d'autres grandes villes comme Marseille, Bordeaux, Nantes ou Rennes, les plus à la mode; et quelques ménages, minoritaires, tentés de s'installer dans des petites villes ou à la campagne.»
L'arrivée des Parisiens dans les régions, où ils font flamber les prix de l'immobilier, n'est d'ailleurs pas sans créer, ici ou là, des tensions avec les habitants qui se sentent évincés. Certains mouvements écologistes et régionalistes bretons, par exemple, réclament un statut spécifique du résident; à Bayonne (Pyrénées-Atlantiques), le 20 novembre 2021, 8 000 manifestants demandaient le droit de « vivre et se loger au Pays basque».
Restriction du crédit
Pour 2022, M. Vimont se montre moins serein: «Si l'inflation perdure, faisant grimper le taux des crédits, je redoute un "coup de grisou" sur le marché immobilier.» D'autres observateurs, dont les courtiers en crédit, craignent une restriction du crédit par les banques qui, dès le 1er janvier, doivent impérativement appliquer les prescriptions qui, jusqu'ici, n'étaient que des recommandations du Haut conseil de stabilité financière (HCSF): pas de prêt au-delà de vingt-cinq ans; pas de taux d'effort au-delà de 35 % des revenus, même pour les investisseurs.
Les banques conservent cependant la possibilité d'outrepasser ces limites dans 20 % des dossiers. «Le HCSF se félicitait, le 14 septembre, que les banques normalisent leurs pratiques, avec, en juillet 2021, seulement 20,9 % de dossiers hors cadre », rassure le président du réseau Century. «C'est aussi du côté du pouvoir d'achat immobilier que vient l'inquiétude, observe-t-il. Les acquéreurs, notamment les primo-accédants, sont désolvabilisés par la hausse des prix que les taux d'emprunt bas ne suffisent plus à compenser.» Il faut désormais, selon ses calculs, 32 153 euros d'apport personnel pour couvrir le prix moyen d'une acquisition à l'aide d'un prêt sur vingt ans, avec une mensualité de 1 000 euros, alors que 6 000 euros suffisaient en 2020, et aucun apport n'était exigé auparavant. Enfin, le regain d'attrait pour les résidences secondaires se confirme : elles représentent 7 % des achats, contre 5 % en 2020.
ISABELLE REY-LEFEBVRE
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