Face à une conjoncture anxiogène, la résidence secondaire incarne la valeur refuge. Les taux et les prix sont en baisse. Enquête sur la revanche de la campagne, de la mer et de la montagne sur la ville.
Par un hasard du calendrier, deux indicateurs ont confirmé l'arrivée du printemps sur le marché immobilier. Le premier conditionne la reprise des transactions : c'est la baisse des taux d'intérêt. Le 6 mars, la Banque centrale européenne a abaissé pour la sixième fois consécutive ses taux directeurs, ramenant le taux de dépôt à 2,50 %. En choeur, les banques ont redoublé d'efforts pour attirer de nouveaux clients, auxquels elles proposent désormais des taux de crédit « sous cette barre fatidique des 3 % », selon Cafpi: 2,84 % sur vingt ans (4,2 % il y a un an) et 2,99 % sur vingt-cinq ans. L'autre élément qui ravive depuis quelques mois l'ardeur des acheteurs est le reflux des prix: 3,9 % en 2023 et 1 % en 2024 pour la France entière. Loïc Cantin, président de la Fédération nationale de l'immobilier (Fnaim), aime à rappeler que cette correction sur les prix, couplée au repli des taux d'inté rêt, a permis de « redonner de l'oxygène au marché ». Concrètement, elle renforce le pouvoir d'achat immobilier des ménages (+ 8,5 % en 2024). « La chute des transactions est désormais enrayée dans la France entière, avec un premier pas vers une reprise durable », constate Loïc Cantin. Selon les projections de la Fnaim, les ventes pourraient atteindre 825000 transactions cette année (+ 6 % par rapport à 2024). Un regain d'intérêt, pas seulement pour les résidences principales, mais aussi pour les maisons secondaires. « Pas si secondaires que cela », glisse David Mercier, directeur du département Belles demeures de Féau. Après les confinements de 2020 et 2021, un record de transactions a été observé dans certaines régions — Normandie, Bretagne, Sologne, Picardie... Depuis, l'euphorie est retombée, mais un nouveau mouvement de quête d'évasion au grand air et de calme se dessine. « Il y a eu le Covid, les Français ont alors ressenti plus que jamais l'envie de s'échapper des grandes villes; il y a à présent le besoin de fuir le stress des grandes villes embouteillées et l'ambiance anxiogène liés à la vie politique française et à l'environnement international », décrypte Sébastien Kuperfis, président de Junot, qui vient d'ouvrir un bureau dédié aux propriétés rurales et viticoles. « Dans cette quête de tranquillité, chacun veut repousser les limites de son premier voisin pour bénéficier d'un havre de paix, loin de toutes nuisances sonores ou visuelles », complète Thibault de Saint Vincent, président de Barnes. « 2024 a été synonyme d'attentisme à cause de la dissolution et du contexte économique. 2025 a bien commencé: les Français ont été rassurés d'avoir un Premier ministre, quel qu'il soit, et le vote d'un budget, quel qu'il soit », affirme David Mercier.
Investir pour la détente avant la retraite
« Comment ne pas faire le parallèle entre les années 1980 et aujourd'hui ? Je me souviens de mon grand-père ayant acheté sa maison de campagne avec une cuve à fioul pour se rassurer en cas de guerre avec la Russie », poursuit Sébastien Kuperfis. La période coïncidait avec le stress de la guerre froide et un contexte géopolitique tendu, après la succession de chocs pétroliers. L'histoire semble se répéter. Selon Nathalie Garcin, présidente du groupe éponyme, « depuis trois mois, les ventes s'accélèrent partout; dans les environs de Paris, prisés par ceux qui cherchent des résidences de week-end, en Bretagne, sur la côte Basque pour les maisons de vacances, sans oublier Marseille et la Côte d'Azur ». « Qui pourrait nier que la résidence secondaire [...] symbolise “l'anti-ville”? qu'elle apporte une compensation à “l'asphyxie urbaine?”», écrivait dès 1984 Janine Renucci, professeur émérite à l'université de Lyon-II, dans la Revue de géographie de Lyon. Elle analysait la ruée vers les demeures de plaisance de la campagne, dans les zones montagnardes et littorales, « choisies pour la détente avant de l'être pour la retraite ». Dès lors, la France se hissait au premier rang des pays européens en termes de nombre de résidences secondaires. Un record qu'elle a conservé. Elle en compte 3,2 millions actuellement, soit près de 10 % du parc immobilier. Ces biens d'agrément se trouvent principalement sur le littoral (40 %), à la campagne (32 %) et à la montagne (16 %). D'après la Fédération nationale des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (FNSafer), le prix moyen d'une maison de campagne atteint 202000 euros en 2023, globalement stable depuis 2003. En revanche, les charges annuelles ont flambé. Avec la hausse des prix de l'énergie et l'alour dissement de la fiscalité (taxe foncière et taxe d'habitation, qui reste en vigueur pour les résidences secondaires), elles sont passées de 0,5 % à 3 % du prix d'achat. Elles peuvent même s'élever à 5 % pour les biens en front de mer. Afin de compenser ces charges, les propriétaires sont de plus en plus nombreux à mettre leurs biens en location. Selon une étude d'Hosman, un tiers des propriétaires parvient à couvrir les frais engendrés grâce aux revenus locatifs et un autre tiers réalise même des bénéfices. Ce qui expliquerait la hausse des investissements observée à la montagne et sur le littoral. Cet engouement dépasse largement nos frontières. Aux États-Unis, les personnes les plus fortunées cèdent aux sirènes des îles privées pour... se préparer au pire. En 2023, Mark Zuckerberg, cofondateur de Facebook, a fait construire sur Farchipel d'Hawaï un bunker de 460 mètres carrés (pour 270 millions de dollars), autosuffisant en cas d'explosion nucléaire, tempête solaire, virus ou piratage incontrôlable... « Nous vivons une drôle d'époque, conclut Thibault de Saint Vincent. Chacun cherche à se mettre à l'abri... ».
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