EUR

Immobilier - L'immobilier de luxe à Paris, toujours plus haut

L'immobilier de luxe à Paris, toujours plus haut

Ces deux dernières années, les prix dans l'ultraluxe ont progressé de 40 %. La capitale française figure en tête des villes les plus recherchées par les grandes fortunes, devant Miami et New York.

Un homme en tenue blanche de tennis, short et tee-shirt en plein hiver, sort de l'immeuble raquette à la main et, en deux enjambées, rejoint le jardin du Luxembourg, à Paris. Nous sommes rue Guynemer, dans le 6 e arrondissement, la plus chère de la capitale, selon Elodie Frémont, la porte-parole de Notaires du Grand Paris. En effet, au premier étage du bâtiment en pierre de taille, un appartement parquet-moulures-cheminées, quoique défraîchi, a été mis en vente à 40 000 euros le mètre carré. Sa vue, sur le jardin parisien préféré des riches Américains, fait toute sa valeur.

La propriétaire, dont la fortune s'est faite « dans les supermarchés et les hôtels » , vit dans le sud de la France et se sépare de son pied-à-terre parisien. « Le nom de la rue Guynemer fait rêver. Les Américains désireux d'acheter à Paris la connaissent » , précise Carole de Vellou, la directrice de l'agence immobilière haut de gamme Daniel Féau Luxembourg, chargée de la vente. « On compte très peu d'appartements dans cette rue. On peut attendre plusieurs années pour en trouver un. C'est comme un Caravage qui arrive sur le marché » , renchérit Nicolas Pettex-Muffat, ancien directeur général du groupe Daniel Féau.

Mais les clients internationaux aiment acheter des appartements « clés en main » et les travaux peuvent les décourager. D'abord proposé « off market » (sans annonce immobilière) pendant six mois à 13 millions d'euros, l'appartement vient de voir son prix baisser, à 11,4 millions. « Six mois, c'est peu pour un budget comme celui-là. Une vente peut prendre un an et demi. Il faut être patient » , tempère Carole de Vellou.

Alors que le marché français de l'immobilier classique s'est « retourné » en 2022, la niche des biens de luxe n'a jamais été aussi porteuse qu'en 2022. Féau, acteur de poids sur ce créneau du très haut de gamme, affilié exclusif de la société de vente aux enchères internationale Christie's pour Paris, confirme avoir réalisé ses deux meilleures années en 2021 et en 2022, en nombre comme en montants des transactions.

Ses graphiques montrent que « le prix du superluxe à Paris » a été multiplié par sept depuis 2000 et a grimpé de 40 % au cours des deux dernières années. « Ce marché ne connaît pas du tout la morosité observée sur les transactions parisiennes en deçà de 1 million d'euros, qui peuvent être affectées par le contexte économique, financier ou géopolitique » , affirme encore l'agence.



« Un véritable segment de marché »




Même constat chez son concurrent Barnes, dont le classement City Index 2023 place Paris en tête des villes les plus recherchées par les grandes fortunes, suivie de Miami et de New York. « 2021 a été une année de rattrapage des acheteurs français qui, après la pandémie [de Covid-19] , voulaient plus d'espace, plus de vert. Et 2022, c'est le rattrapage des étrangers de retour sur le marché hexagonal avec la fin des mesures sanitaires » , résume Richard Tzipine, directeur général de ce réseau. Jamais les prix affichés dans son enseigne n'étaient montés si haut, un appartement vendu à 46 000 euros le mètre carré, sur l'île de la Cité, ayant atteint un record.

Un bien près de l'Arc de triomphe proposé chez Sotheby's International Realty, sous promesse de vente, vient d'être signé à 50 000 euros le mètre carré. « Ces prix-là n'existaient pas, il y a cinq ans. Après la pandémie, l'ultraluxe est devenu un véritable segment de marché. Auparavant, les biens d'exception, au-delà de 4 millions ou 5 millions d'euros, formaient un marché confidentiel, avec peu de volume » , note Frank Sylvaire, directeur de Paris Ouest du réseau d'agents immobiliers fondé par les marchands d'art Sotheby's . « Aujourd'hui, ce parc se renouvelle. Des papy-boomeurs vendent davantage de biens rares et comme les prix ont augmenté, ça déclenche un cycle de vente » , ajoute-t-il.

Les grandes fortunes ont largement bénéficié de la hausse des Bourses mondiales, portées par la politique d'argent gratuit des banques centrales.

La crise sanitaire n'a pas pénalisé la clientèle la plus riche, bien au contraire. Les grandes fortunes ont largement bénéficié de la hausse des Bourses mondiales, portées par la politique d'argent gratuit des banques centrales. Une étude de l'ONG Oxfam publiée en janvier 2022 estimait que la fortune cumulée des milliardaires avait connu, pendant la pandémie, « sa plus forte augmentation jamais enregistrée » . L'immobilier de luxe en a pleinement profité.

Le retour de l'inflation accentué par la guerre en Ukraine, la fin de la politique d'argent gratuit et la chute en Bourse des valeurs du numérique ont ralenti l'économie. Depuis la faillite de la Silicon Valley Bank aux Etats-Unis, le 10 mars, une tourmente bancaire, qui frappe aujourd'hui Credit Suisse, a entraîné tous les marchés mondiaux dans le rouge. « Cette frange d'acheteurs d'immobilier de luxe n'est pas affectée par les turbulences actuelles » , avance toutefois l'économiste Michel Santi, ancien financier et membre de l'ONG Finance Watch, qui conseille aujourd'hui des collectionneurs d'art dans leurs acquisitions.

Même si le robinet des liquidités se resserre avec la hausse des taux d'intérêt, « eux achètent cash , poursuit-il. Et l'immobilier reste, pour le moment, une valeur refuge, en particulier Paris, dont le marché immobilier est liquide. C'est ce que recherchent les investisseurs pour pouvoir s'en séparer à tout moment. »



« Paris, c'est pour l'art de vivre »




Sébastien Kuperfis, le président du réseau d'agences Junot, positionné sur le haut de gamme, ajoute que « le marché immobilier français est considéré comme stable, car les ménages empruntent à taux fixes » . Cette stabilité des mensualités de remboursement du crédit offre une meilleure garantie, face au risque de crise immobilière, que les systèmes bancaires prêtant à taux variables. Chez Barnes, on revendique d'ailleurs un très bon mois de mars, après un essoufflement en janvier et en février. « Nous signons ce mois-ci trois promesses de vente, entre 10 millions et 20 millions d'euros, ce qui est assez rare » , confirme Richard Tzipine.

Rue Jean-Goujon, dans le 8 e arrondissement, à quelques pas de la place François-I er , un penthouse de style Art déco, salon sous verrière, grand standing, en duplex aux septième et huitième étages, surplombé d'une terrasse sur le toit avec vue panoramique époustouflante sur Paris, du Grand Palais à la tour Eiffel, est mis en vente « juste au-dessous de 10 millions d'euros » .

« Tous les codes du luxe, surtout pour une clientèle internationale, sont réunis , argumente Marie-Hélène Lundgreen, la directrice de l'agence Belles demeures de France, le département international de Féau. L'emplacement, au coeur du triangle d'or, avec l'avenue Montaigne, Dior et toutes les boutiques, les palaces, le Plaza Athénée, le Four Seasons, Le Bristol, tout est à '' walking distance [accessible à pied] . Et puis, la vue. Et, enfin, la sécurité, très importante, avec un gardien pour l'immeuble. »

Les acheteurs sont bien souvent des Américains, qui bénéficient depuis un an d'un euro faible face au dollar, très avantageux pour une acquisition.

Le propriétaire, brésilien, revend cet appartement une dizaine d'années après l'avoir acheté. Il y faisait étape trois ou quatre fois par an, comme à Noël 2022, avant de partir pour la montagne. Lorsque les biens dépassent 4 millions d'euros, les acquéreurs sont étrangers plus d'une fois sur deux, et même dans 80 % des cas lorsque le prix va au-delà de 7 millions d'euros. « Acheter à Londres et à New York, c'est pour y travailler, alors que Paris, c'est pour le plaisir et donc pour le statut social. Avoir un appartement à Paris n'est pas absolument nécessaire, c'est pour l'art de vivre. Donc, pouvoir se le permettre vous place à un certain niveau » , analyse Marie-Hélène Lundgreen.

Qui sont les acheteurs ? Il s'agit, bien souvent, d'Américains, qui bénéficient depuis un an d'un euro faible face au dollar, très avantageux pour une acquisition. « Ils font beaucoup de charity [bienfaisance] pour de bonnes causes. Il n'y a rien de plus chouette que de mettre en jeu, à une soirée de bienfaisance, deux semaines en France, en passant les clés de son bel appartement parisien , témoigne Nicolas Pettex-Muffat. L'appartement est aussi souvent prêté à des amis, aux amis des enfants. »



« Les acquéreurs sont exigeants »




Selon Belles demeures de France, « la clientèle du Moyen-Orient aime beaucoup le très beau 16 e arrondissement, Iena, avenue Foch. Les Américains sont des inconditionnels de la rive gauche, Saint-Germain-des-Prés, l'île Saint-Louis » . « Il y a aussi des Ukrainiens très fortunés et, c'est nouveau, ce n'était pas le cas avant la guerre , complète Kyan Zare, agent pour cette enseigne immobilière de luxe. Un fonds d'investissement ukrainien m'a envoyé un architecte qui cherche des appartements à refaire pour la clientèle ukrainienne. Ils le font selon leur goût. » Selon les chiffres des notaires, dans le 7 e arrondissement, un appartement sur cinq achetés au premier semestre 2022 l'a été par un acquéreur étranger.

Avenue Foch, à quelques mètres de l'Arc de triomphe, un couple, la quarantaine, qui a fait fortune en montant plusieurs bars et brasseries en Normandie, a mis en vente, à 5,6 millions d'euros, chez Sotheby's International Realty, son appartement de 270 mètres carrés, décoré par un architecte dans un style palace. Quatre ans après en avoir fait l'acquisition, il s'en sépare pour acheter une maison dans une voie privée toute proche, villa Saïd, prisée des artistes.

Les très beaux hôtels particuliers à plusieurs dizaines de millions d'euros intéressent les fortunes françaises, « des entrepreneurs, des financiers, des gens de la tech » . « Il y a aussi le show-biz et les sportifs , ajoute Frank Sylvaire, nous avons beaucoup vendu à des joueurs du PSG, qui aiment Neuilly et les maisons avec jardin, sans vis-à-vis. »

Parmi les biens exceptionnels, Barnes a vendu en 2022, en toute discrétion, dans le 16 e arrondissement, l'hôtel particulier de l'ancien président de la République Valéry Giscard d'Estaing, mort en 2020. Et la famille princière du Qatar a vendu, la même année, l'hôtel Lambert, joyau datant du XVII e siècle situé sur l'île Saint-Louis, à Xavier Niel, actionnaire à titre individuel du Monde . Les prix peuvent-ils continuer à flamber insolemment en 2023, à rebours d'une économie mondiale fragile, et dans un contexte géopolitique incertain ? Notaire dans le 6 e arrondissement, un des plus cotés et des plus chers de Paris, Elodie Frémont voit passer par son étude ces biens hors de prix. « Le marché du luxe continue à fonctionner , observe-t-elle, mais les acquéreurs sont exigeants : si les biens zéro défaut se vendent à des prix élevés, en revanche, un premier étage mal exposé ou imparfait dans sa distribution voit vraiment son prix baisser. »

Un constat partagé chez Junot. « Avec la hausse des taux d'intérêt, les deals demandent plus d'effort, c'est plus rugueux , souligne Sébastien Kuperfis. Paris est un marché fermé parce que l'on ne construit pas et que le périphérique encercle la capitale. Donc, il y a toujours plus de demande que d'offre, mais, aujourd'hui, le déséquilibre est moins fort. »

https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/03/21/l-immobilier-de-luxe-a-paris-ne-connait-toujours-pas-la-crise_6166313_3234.html

Retour

Nos dernières actualités

  • Daniel Féau Provence lance la location saisonnière

    7 juin 2023

    Lire la suite
  • L’immobilier ultra haut de gamme continue d’affoler les compteurs à Paris

    27 janvier 2023

    Lire la suite
  • Un marché parisien plein d'énergie

    29 septembre 2022

    Lire la suite
  • Immobilier de luxe : les 3 vitesses d'un marché en mutation

    11 mai 2022

    Lire la suite
  • 2021, l’année des records pour I'immobilier

    6 janvier 2022

    Lire la suite
  • Charles-Marie Jottras : L'immobilier de luxe ne connaît pas la crise

    9 novembre 2021

    Lire la suite
  • L'immobilier de luxe ne connaît pas la crise

    20 octobre 2021

    Lire la suite
  • Vente Marion Lambert

    24 mars 2021

    Lire la suite
  • Victoire de Castellane

    23 octobre 2020

    Lire la suite
  • Nos agences sont ouvertes à nouveau !

    14 mai 2020

    Lire la suite

Ce site est protégé par reCAPTCHA et les règles de confidentialité et les conditions d'utilisation de Google s'appliquent.