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Les 25 et 26 mai, Christie's propose aux enchères le contenu de la résidence genevoise de Marion Lambert décédée en 2016. Une dispersion qui met à l’honneur le goût très sûr de la collectionneuse. Par Éric Jansen
Black Sheep… C’est ainsi que Christie’s a intitulé la vente de la collection de Marion Lambert. Un titre un rien irrévérencieux, mais trouvé en accord avec son fils Henri, car la fantasque baronne était bien un mouton noir dans son genre. Et puis, il y a cette extraordinaire broche ornée de perles et de saphirs, en forme de tête de mouton, que lui avait façonnée le joaillier JAR (est. 80.000- 120.000 euros). Mais ce bijou est l’arbre qui cache la forêt. Marion Lambert était surtout célèbre pour son goût audacieux, « rock’n’roll » diront certains, principalement dans le domaine de la photographie. Dès les années 1980, l’épouse du baron Philippe Lambert, héritier de la banque belge éponyme, achète Robert Mapplethorpe, Nan Goldin, Larry Clark, Cindy Sherman. Ces acquisitions visionnaires et parfois choquantes ne furent pas du goût de tous. En 1996, elle souhaite en accrocher une sélection dans un établissement bancaire, dont son mari est actionnaire, mais la direction s’y oppose. Marion Lambert fait un scandale !
Autour d’un magnifique tapis d’Ernest Boiceau, une mise en scène parfaitement harmonieuse signée Jacques Grange.
En 2004, elle vend aux enchères une partie de cette collection, 300 clichés qui récoltent plus de 9 millions de dollars, ce qui crée un véritable électrochoc pour le marché de la photographie. En 2015, quatre ans après le décès de son mari, une nouvelle vente montre plus encore l’ampleur de ses coups de coeur et la justesse de son oeil : Andreas Gursky voisine avec Donald Judd, Rudolf Stingel, Mark Bradford... Cette fois, le résultat dépasse les 15 millions de livres. Sa mort brutale, l’année suivante, sidère tout le monde. Renversée par un bus à Londres, Marion Lambert s’éteint quelques jours plus tard.
Vase La Poule blanche, de Georges Jouve, 1949, sur un socle de Marcial Berro, 1993.
Dans une chambre, cabinet Tigre de Garouste & Bonetti, 2000.
Aujourd’hui, la dispersion du contenu de son appartement de Genève témoigne avec superbe de l’étendue de sa curiosité et de son flair. Aux murs, on retrouve des photos de Nan Goldin et des oeuvres de Richard Prince et Christopher Wool, connus à leurs débuts. Mais surtout, on découvre que toutes les pièces étaient meublées avec le meilleur des arts décoratifs. Un intérieur parfaitement mis en scène qui doit aussi au décorateur qu’elle appela afin d’aménager ce triplex au début des années 90, Jacques Grange : « Marion était un rêve de cliente : enthousiaste, toujours partante, audacieuse. Parfois, j’étais plus raisonnable qu’elle. On a beaucoup acheté ensemble : Jean Royère, Jean-Michel Frank, Line Vautrin… mais aussi Garouste & Bonetti. Elle aimait la manière dont je mariais tout cela. Elle avait une grande sensibilité artistique. Elle m’a aussi initié à certains artistes. Entre nous, c’était comme une formidable partie de tennis. » Le résultat forme un petit musée privé, où chaque meuble, chaque objet est signé : tapis d’Ernest Boiceau, fauteuils de Pierre Chareau, bureau Présidence de Jean Prouvé, vase de Georges Jouve, paire d’obélisques de Serge Roche, console et appliques de Gilbert Poillerat… Le témoignage attachant d’une grande dame qui avait du goût et un coeur : une partie du produit de la vente ira à la fondation War Child.
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