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Ce cinq-pièces situé dans le XVIe arrondissement cachait depuis des décennies un bas-relief de la déesse de la Victoire. Celle-ci a été redécouverte en 2019 lors des travaux de rénovation. Mise à prix : 2,9 millions d’euros.
Dès que l’on passe la porte d’entrée, elle saute aux yeux avec son épée levée, ses ailes et sa couronne de lauriers, sans oublier ses beaux drapés, qui se détachent sur un fond sombre. Ce bas-relief de la déesse de la Victoire de 1,73 m de hauteur et de 1 m de large ressort d’autant plus qu’elle est éclairée telle une star. L’allégorie fait partie du bien mis en vente par l’agence Daniel Féau Passy & la Muette au prix de 2 945 000 euros. Situé rue René-Bazin (XVIe), ce magnifique cinq-pièces de 212 m2 a réservé une surprise de taille à ses acquéreurs peu de temps après leur achat, en 2019.
« Les anciens propriétaires ont vécu ici pendant quarante ans. On a voulu refaire à notre gout et on a fait enlever un miroir. Les ouvriers sont alors tombés sur une planche contrecollée avec quatre vis. L'entreprise m'a appelée, je leur ai dit de l'enlever et, là ils m'ont demandé de passer. Quand j'ai découvert la déesse, j'étais estomaquée » sourit Anne.
Le témoin précieux de deux époques
L'un des fils des anciens propriétaires qui habite toujours l'immeuble n'était même pas au courant de son existence ! Pourquoi a-t-elle été cachée toutes ces années ? Est-ce pour la protéger d'un vol durant la Seconde Guerre mondiale ? A-t-elle été oubliée ?
Curieuse et sous le charme, Anne fait venir le père d'une amie, qui est antiquaire, puis un expert. Ce dernier fait des recherches et conclut qu'il s'agit de la copie d'une œuvre ornant la cheminée de l'appartement du roi au château d'Écouen (Val-d'Oise), le musée national de la Renaissance : « L'œuvre originale date de cette époque, mais la reproduction remonte à la fin du XIXe siècle ou au début du XX° siècle, précise Arnaud Romieux, expert en mobilier, objets d'art et de collection qui a réalisé l'estimation. Le Moyen Âge et la Renaissance ont été remis au goût du jour sur la dernière partie du XIXe siècle. Les gens se sont mis à commander des éléments de décoration néogothique, néo-Renaissance, dont ce bas-relief est un exemple. »
L'expert l'a estimé entre 8 000 et 10 000 € : « C'est sa valeur en cas de remplacement si un sinistre survenait et qu'elle était endommagée. Il ne s'agit pas de sa valeur de marché », insiste-t-il. L'actuelle propriétaire a également contacté l'un des conservateurs du musée d'Écouen : « Il est revenu vers moi trois heures après avoir reçu mon mail. Selon lui, il n'y a que trois autres exemplaires, et le moule a disparu, reprend Anne. Il m'a demandé s'il pouvait le référencer. »
Dans le cadre de la vente, cette incroyable découverte a-t-elle une influence sur le prix ? « Ça ne le renchérit pas, tranche aussitôt Dominique Thibaudeau, responsable de l’agence Daniel Féau Passy & la Muette, mais ça confère au bien une particularité qui fait qu'on le présente à ce prix-là. » Avec 13 900 €/m2, on est en effet ici sur une fourchette haute que l'on retrouve plutôt pour les étages élevés, alors que l'on est ici sur un étage bas.
Mais l'appartement a également d'autres caractéristiques : il a totalement été refait et offre, entre autres, un sublime salon ouvert et lumineux tout en boiseries avec 3,10 m de hauteur sous plafond, une partie salle à manger design avec des pans de murs noirs. La cuisine dispose d'une immense baie vitrée donnant sur une jolie cour, et il y a également deux parties nuit bien distinctes : l'une pour les enfants, avec deux chambres, l'autre pour les parents.
« Sa place est ici »
Pourquoi vendre ? Pour aider leurs filles à s'installer. Pas question d'emmener la déesse : « Elle fait partie de la famille, mais sa place est ici. J'aurais peur de dénaturer les lieux », glisse la quinquagénaire. N'étant pas classé, le bas-relief pourrait être détruit, mais Anne espère que les futurs acquéreurs « craqueront pour lui » : « Sinon. je serais triste. » « C'est à double tranchant. Ca peut nous aider à vendre, comme ça peut refroidir certains acheteurs ». estime l'agent immobilier. Qu'en est-il lorsqu'un décor ou le bien lui-même est classé, comme l'hôtel de Sagonne, rue des Tournelles (IVe), classé monument historique ? Pour Emmanuel de Poulpiquet, responsable de l'agence Daniel Féau Saint-Paul, cela « valorise le prix » : « Ça donne de la noblesse. Après, pour la revente, ça dépend des gens. Certains vont adorer, d'autres détester, parce que dès qu'on touche à quelque chose, il faut l'autorisation de l'architecte des Bâtiments de France (ABF)... » avance l'expert.
Lui se souvient d'un appartement situé rue des Francs-Bourgeois (IVe) où des murs peints anciens ont été découverts. « Ça s'est revendu plus cher, peut-être 5 % de plus ». reprend-il.
Enfin, l'ancien appartement de Max Ernst, situé rue Jacob, dans le VIe arrondissement, s'est vendu avec un dessin de Picasso sur un mur : « Les vendeurs l'avaient laissé. Ça n'était pas classé. Il faisait partie de l'appartement. »
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