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Paris Ouest : surtout une pièce en plus

Avoir quatre vraies chambres à coucher. Le rêve de Lucille et Raphaël, locataires avec leurs trois enfants d'un 4 pièces de 80 m² au sein d'un immeuble en pierre de taille de la rue Armand-Moisant, à l'ombre de la tour Montparnasse. «Pour vivre un peu moins à l'étroit, nous prospections de plus vastes appartements à acheter dans le 14e ou le 15e arrondissement de la capitale. Car la cohabitation dans la même chambre, avec lits superposés, de Marie (12 ans) et de Zacharie (9 ans) devenait de moins en moins simple. Pas facile d'accorder les envies d'une pré ado en quête de plus d'intimité aux rythmes de son petit frère ne se couchant pas aux mêmes heures qu'elle et jouant encore aux Lego», raconte cette mère de famille, cadre sup dans la communication. Las, après des dizaines d'annonces épluchées et presque autant de visites domestiques, décrocher la perle rare s'avérait tout bonnement impossible, faute de budget suffisant. La baguette magique du conte de fées ? Avoir dépassé la barrière psychologique de ne pas traverser le périphérique afin de trouver chaussure à son pied. «Pour 720 000 €, avec travaux et parking inclus, nous avons dégoté notre nouveau sweet home à Montrouge, avenue de la République», détaille Lucille. Au menu : un duplex de 80 m² de surface habitable en loi Carrez, mais totalisant 130 m² au sol et offrant quatre petites chambres. «Les plafonds mansardés de celles des enfants les obligent à baisser un peu la tête pour ne pas s'y cogner. Mais cette nouvelle répartition des couchages a complètement changé l'ambiance familiale. Il faut dire que le cadre est plus attrayant que les abords immédiats des boulevards des maréchaux parisiens que l'on nous proposait. D'un côté, un jardin planté d'un cerisier, de l'autre, cette artère gourmande truffée de bars et de petits commerces. Auxquels il faut ajouter la proximité immédiate de la station de métro Mairie de Montrouge, d'où nos enfants rejoignent en vingt minutes leurs écoles privées parisiennes», vante l'heureuse propriétaire.

Rationalisation. Parent pauvre des photos d'annonces immobilières en vitrine des agences ou des sites Web, qui préfèrent valoriser les pièces de vie et de réception, les chambres à coucher représentent néanmoins un critère de choix majeur lorsqu'elles sont en (très) grand nombre. «Two, three, four bedrooms... Comme les pays anglo-saxons, qui affichent d'abord le nombre de chambres plutôt que celui des mètres carrés, ce qui compte prioritairement à mes yeux, c'est la rationalité du plan, et non pas la surface totale du logement», observe Roger Abecassis, président du groupe Consultants Immobilier. «Si le nombre de chambres est un peu juste, nous précisons dans nos annonces la possibilité, ou non, d'en créer une supplémentaire pour mieux loger les enfants ou belle-maman», poursuit Julien Haussy, patron du groupeEspaces atypiques. Au vu des prix forts, même réajustés ces deux dernières années, et des niveaux actuels de taux d'emprunt, moins favorables qu'auparavant, les logiques d'achat immobilier deviennent nettement plus rationnelles, au sens propre comme au figuré. «Depuis le Covid, on optimise au maximum les surfaces habitables. Dans la balance de l'équation chambres budget pèse aussi le nouveau besoin d'un espace supplémentaire dédié au télétravail, analyse Alexis Caquet, président France du groupe Engel & Vôlkers. Notez aussi qu'à l'image du Tanguy du  film, les enfants habitent de plus en plus longtemps chez leurs parents. Faute, notamment, de pouvoir s'envoler du nid par la grâce d'un studio ou d'un petit 2-pièces locatif dans la capitale, dont le marché d'extrême pénurie est plus bouché que jamais. » Autre phénomène de société prégnant, l'augmentation des divorces au sein des ménages de l'Hexagone, qui entraîne dans son sillage une plus large mosaïque de familles recomposées. «Quand on veut offrir plus de stabilité et de confort aux enfants logés en garde alternée, il faut tout doubler», résume Nathalie Naccache, aux commandes des agences Keller Williams Fortis Immo, du cœur de Paris. Dans ce secteur, les investisseurs locatifs privilégient d'ailleurs les petits 2 pièces aux studios, désormais moins recherchés. «Même de taille très réduite, mais dotée d'une fenêtre captant la lumière, cette pièce bonus qui sert à télétravailler ou anticipé l'accueil d'un bébé valorise l'appartement au même titre qu'un joli balcon», poursuit Nathalie Naccache. «Les familles en quête de nombreuses chambres mais qui n'ont pas les moyens de s'offrir les étages supérieurs des immeubles haussmanniens des grandes avenues du 16e arrondissement se rabattent souvent sur les rez-de-chaussée et premiers étages, aux prix nettement décotés», analyse Frank Sylvaire, président du groupe d'agences Sotheby's Paris Ouest. On peut aussi compléter son achat par une chambre de service qu'occupera avec joie l'adolescent et qui sera mise en vente lorsqu'il quittera l'immeuble.

«Les familles nombreuses recomposées qui recherchent le maximum de confort intérieur assorti d'une chambre individuelle pour chaque ado sont aussi prêtes à faire des concessions sur le choix du quartier qu'elles ciblaient idéalement, voire s'orientent sur l'alternative de la location», rappelle David Samama, directeur exécutif de John Taylor Paris Ouest. L'oiseau va là où il a peut faire son nid, et, parmi les autres solutions possibles, citons l'offre du parc immobilier des années 1930 ou celle des appartements semi-récents des années 1950 à 1980, qui offrent de bien meilleurs ratios chambres-surface que ceux de leurs homologues haussmanniens. «À Neuilly-sur Seine, on trouve d'agréables appartements de trois chambres compactés dans 95 m²: salon-salle à manger dans une seule pièce, une master bedroom et deux chambres pour les enfants. Bingo!» vante Richard Tzipine, directeur général du groupe Barnes. Les promoteurs se sont eux aussi adaptés à la nouvelle demande. «Au sud de Boulogne-Billancourt, dans nos nouveaux programmes de la rue Pierre-Grenier ou sur l'îlot D5 de la ZAC Rives de Seine, nous proposons une solution modulable réversible à la clientèle familiale en quête de grands appartements, comme celle d'un studio de 30 m² accolé a un appartement de 90 m². On obtient ainsi quatre belles chambres dans 120 m², au lieu d'être obligé d'acheter 160 à 200 m² d'un seul tenant dans les beaux quartiers ouest de la capitale », détaille Jean-François Morineau, DGA de BNP Paribas Real Estate Conseil Résidentiel & Hospitality.

Les acheteurs franciliens devenus propriétaires en 2020-2021 étayant aujourd'hui des velléités de s'agrandir ne sont toutefois guère partants pour sauter le pas.
« Tarifs encore très élevés, nouveaux frais de notaire à débourser, coût de crédit trois fois plus cher... Ils renoncent au vu de l'addition trop salée et changent leur fusil d'épaule en organisant des changements dans l'aménagement intérieur de leur domicile», raconte Benoît Bert, patron de l'agence Consultants Immobilier La Motte-Picquet Grenelle. Pour son confrère Nicolas Pettex-Muffat, directeur général du groupe d'agences Junot: «C'est aujourd'hui l'un des rares éléments qui poussent les familles à faire des travaux dans les immeubles du parc haussmannien. Par exemple, en ramenant la cuisine perdue au fin fond du couloir en L pour la “siamoiser” avec une pièce de vie ou de réception et optimiser ainsi l'espace libéré. » « Gagner une chambre à coucher grâce à un salon-salle a manger avec cuisine américaine ouverte ne nécessite pas forcément de très gros travaux, explique Sophie Berg, directrice générale du groupe Daniel Féau.

Préparer ses repas dans un décor de boiseries anciennes, avec moulures et cheminées, assorti d'un mobilier contemporain très design donne un chic fou à cette nouvelle pièce XXL. » Sa consœur Iris Tang, directrice d'Emile Garcin Paris Rive droite, géolocalise volontiers le propos : « Dans le 5e arrondissement, certaines familles n'hésitent pas à scinder aussi une grande chambre en deux en montant une cloison ou un mur de verre. L'objectif de cette séparation des espaces dormants ? Pouvoir rester dans le quartier afin de conserver la sectorisation scolaire de prestigieux établissements comme les lycées collèges Henri-IV et Louis-le-Grand, où étudient leurs enfants. »
Mais attention! Si le fait d'abattre ou de créer une simple cloison ne pose aucun souci administratif, il convient d'obtenir le feu vert de la copropriété quand on veut faire tomber un mur porteur (ou semi-porteur) ou changer les caractéristiques des fenêtres. «Pour le confort de leurs chers bambins, les parents sont prêts à tout bouleverser, voire à sacrifier une pièce de réception, conclut Iris Tang. Il me semble que, quelques décennies en arrière, les enfants étaient moins gâtés. Il était normal de partager sa chambre avec son frère ou sa sœur et, si cette promiscuité pouvait être source de bruyants pugilats, il n'en reste pas moins qu'avec du recul, ces joutes enfantines pouvaient aussi faire l'objet de rires et de souvenirs fort sympathiques.»

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