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« Ca fait des années que tout le monde dit que les prix et les volumes sont en hausse. Je suis un peu gêné de raconter toujours la même histoire. Alors... je vais vous annoncer cette fois un grand krach immobilier. » C'est ainsi que Charles-Marie Jottras, président du groupe Daniel Féau, a commencé sa conférence annuelle sur la tendance du marché. Il voulait tourner en dérision les augures qui anticipent depuis deux ou trois ans une crise, sous prétexte que le marché se porte très - trop ? - bien, à Paris en particulier. Il voulait faire comprendre que la tendance de l'immobilier n'obéit pas à un simple ratio prix/revenu disponible des Français.
« Paris est une ville monde, elle se compare à Londres, New York, Singapour... c'est un marché à part », confirme Stéphane Adler, vice-président de la Chambre des notaires. « Une crise en 2020 ? Vous me faites rire, lance Nathalie Garcin, présidente du groupe Emile Garcin. Il n'y a pas de bulle ! Paris est cher parce que la demande est forte et l'offre très restreinte. Mais je ne crois pas que les prix vont continuer à monter aussi vite que ces dernières années. »
Féau, un des spécialistes de l'immobilier parisien haut de gamme, avait choisi d'intituler sa conférence « La hausse des prix est-elle artificielle ? », les prix ayant plus que quadruplé en vingt ans et cela en dépit de deux coups de mou : l'un, assez bref, en 2008-09 et l'autre, plus long, de 2011 à 2016. Il faut aussi garder en tête la crise très sévère de 1991-1998, bien plus saignante à Paris qu'en région (selon l'indice de prix Insee-Notaires, la baisse a été de 30% en moyenne).
Autre fait important : le haut de gamme parisien, derrière des records spectaculaires aux environs de 40 000 euros le mètre carré, est un micro-marché : environ 3 000 ventes par an pour les appartements vendus au-delà de 1 million d'euros (soit 8% des transactions), dont 500 au-delà de 2 millions d'euros. Un micro-marché qui pourrait aisément se retourner. Les prix sur le haut de gamme donnent le vertige : 13 474 euros le mètre carré, en hausse annuelle de 7,5% sur le segment 1,5 à 3 millions d'euros, et 18 423 euros du mètre carré (+ 3,6%) sur les ventes dépassant 3 millions d'euros, selon les données du réseau Féau. Comme le souligne Thierry Delesalle, notaire à Paris, « seul un couple de deux cadres supérieurs peut envisager aujourd'hui une acquisition dans la capitale et encore, à condition la plupart du temps qu'il revende un bien pour racheter ».
« Sur le très haut de gamme, les transactions se font entre 20 000 et 30 000 euros le mètre carré, observe Nathalie Garcin. L'appartement en adresse premium et sans défaut est très rare, donc très recherché, donc très cher. »« Paris, c'est délirant ! se dit-on quand on voit ces prix par rapport au niveau des revenus », pointe Charles-Marie Jottras, qui s'empresse d'ajouter : « Cela fait quinze ans que j'entends cette ritournelle ! Cela n'a pas de sens. »
En effet, le nombre de ventes par an à Paris ne varie pratiquement pas, restant dans une fourchette de 33 000 à 35 000 depuis vingt ans, alors que la demande ne cesse d'augmenter. « L'offre est structurellement figée à Paris, beaucoup plus que dans les autres métropoles mondiales », relève le président de Féau. Facile d'en déduire que les prix ne peuvent qu'augmenter, d'autant que Paris s'affiche toujours plus comme la première destination touristique mondiale et comme le centre des décisions économiques en France. Qui plus est, comme le constate Stéphane Adler, « le Brexit a poussé beaucoup de Français expatriés à quitter Londres depuis deux ans. Ils ont un fort pouvoir d'achat sur le segment des ventes autour de 2 millions d'euros. ».
« Le déséquilibre le plus flagrant entre l'offre et la demande porte, de très loin, sur l'appartement familial de trois chambres autour de 130 à 150 m2, détaille Charles-Marie Jottras. Vous n'en trouverez pas dans les annonces, ils partent tout de suite. » Il cite un ratio hallucinant : « Pour chaque appartement de ce type qui entre dans notre fichier, nous avons plus de 4 000 prospects pouvant être intéressés ! » Il estime en outre qu'environ 40% des appartements vendus cette année par ses agences l'ont été directement, sans aucune publicité sur le Web. Cependant « une partie de la pression va retomber avec la dynamique de construction du Grand Paris, sur le segment de biens entre 750 000 et 1,5 million d'euros ».
Pour 2020, tous les spécialistes estiment que le marché est durablement déséquilibré à Paris, « ce qui n'exclut pas d'inévitables fluctuations. Mais sur le long terme, je reste très confiant sur la tendance, il n'y a pas de bulle », se réjouit le président de Féau, le chiffre d'affaires de son réseau d'agences à Paris ayant progressé de 440% en vingt ans. Même son de cloche à la Chambre des notaires de Paris, Stéphane Adler, son vice-président, estimant que « le marché n'est ni artificiel ni spéculatif comme en 1990-91. C'est un marché de pénurie. »"
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